special
à réfléchir:1
CONSEIL
FAMILLE ET SOCIETE
Mai 2013
POURSUIVONS LE DIALOGUE !
Perspectives après le vote de la loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe
Les débats et manifestations autour de la loi ouvrant le mariage aux personnes du même
sexe ont été l’occasion de constater que ce projet de réforme a divisé la communauté
nationale. Une incompréhension s’est installée entre partisans et adversaires de la réforme
et des divergences sont apparues sur la façon d’exprimer les désaccords. Une radicalisation
est observable aujourd’hui. Cela n’est pas sans écho au sein même des communautés
catholiques et les responsables de la pastorale des familles ont, parmi d’autres, exprimé le
besoin de disposer d’éléments de discernement et de pistes de travail pour poursuivre la
réflexion. Le Conseil Famille et société de la Conférence des évêques de France propose
donc ce texte pour aider les communautés catholiques à surmonter leurs différences
d’approche et à approfondir le dialogue. Si la foi chrétienne est bien une ressource qui
donne sens à nos vies, alors il est possible de s’écouter et de s’entendre pour dire en quoi
elle est aujourd’hui source d’orientation et d’inspiration éthique au sein d’une société
pluraliste et sécularisée.
Les enjeux de la réforme
Ce texte s’inscrit dans la suite de la note publiée par le Conseil Famille et société en
septembre 20121. Il faut rappeler qu’à l’époque, aucune discussion n’était prévue ni même
possible. Parce qu’il figurait dans les propositions du candidat François Hollande, le projet
de loi emportait, aux yeux du gouvernement, de facto l’adhésion de la majorité des Français.
Dans sa note, le Conseil Famille et société avait choisi de se placer sur le terrain juridique et
anthropologique pour favoriser le dialogue avec le plus grand nombre de personnes
possible. Il y donnait un éclairage sur les raisons qui pouvaient conduire à réclamer cette
transformation du mariage civil. Il y expliquait aussi pourquoi cette transformation du
1 « Elargir le mariage aux personnes de même sexe ? Ouvrons le débat ! » http://www.eglise.catholique.fr/conference-deseveques-
de-france/textes-et-declarations/elargir-le-mariage-aux-personnes-de-meme-sexe-ouvrons-le-debat-note-duconseil-
famille-et-societe-14982.html
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mariage lui semblait une réponse inadéquate à la demande de reconnaissance des
personnes de même sexe. Il invitait le législateur à ne pas se laisser enfermer dans une
querelle de droits individuels, mais à chercher à protéger le bien commun. Il soulignait enfin
que le mariage était une institution. Non réductible à l’amour entre deux personnes, elle
instaurait pour la société un lien entre l’amour fidèle d’un homme et d’une femme et la
naissance d’un enfant. Cette institution signifiait à tous que la vie est un don, que les deux
sexes sont égaux et indispensables à la vie et que la lisibilité de la filiation est essentielle
pour l’enfant.
Cet ensemble constituait bien l’enjeu de la réforme et pas uniquement la question de
l’égalité de traitement entre les couples de même sexe et les autres. C’est en raison de
l‘ampleur de ces enjeux pour l’ensemble de la société que le texte publié en septembre 2012
demandait que soit ouvert un large débat. Il offrait aussi aux catholiques des éléments de
discernement pour y participer. De nombreuses communautés catholiques s’y sont référées
pour organiser des rencontres. Entre temps le projet de loi a été examiné par l’Assemblée
nationale et par le Sénat pour être finalement adopté en seconde lecture, le 23 avril 2013
par l’Assemblée nationale, dans une version proche de la proposition initiale du
gouvernement ouvrant le mariage et l’adoption plénière aux couples de même sexe. Après
validation par le Conseil constitutionnel, la loi a été promulguée par le Président de la
République le 18 mai 2013.
De nombreux clivages
Durant toute cette période, le débat recherché a bien eu lieu et les contributions des parties
prenantes, y compris celles des religions ont pu être exposées. Pour autant, le sentiment
demeure que ces contributions n’ont pas été écoutées ou comprises. L’ampleur des
manifestations publiques est pour une large part la conséquence du sentiment que des
objections de caractère fondamental, dépassant le terrain religieux et touchant au socle de
la vie commune, étaient rejetées ou ignorées. De façon générale et pour des raisons
diverses, beaucoup de personnes sortent avec un sentiment de malaise de cette période de
débat.
Ainsi, en forçant quelque peu le trait, certains estiment que la réforme ne modifie en rien le
mariage quand celui-ci reconnaît l’amour entre deux êtres, alors que d’autres pensent
qu’elle vide le mariage de sa substance lorsque celui-ci fait fi de la différence sexuelle.
Certains analysent la réforme comme un progrès à l’égard de l’égalité des droits, d’autres
craignent l’effondrement de la société incapable de reconnaître la différence comme mode
d’identification humaine. Certains dénient à l’Eglise le droit d’intervenir dans les questions
de société, d’autres auraient voulu qu’elle soit à la pointe du combat politique. Certains
invoquent l’amour miséricordieux de Dieu pour plaider en faveur de la loi, d’autres
invoquent l’amour créateur de Dieu pour s’y opposer. Certains estiment que le débat
politique a été escamoté, d’autres estiment que le débat à l’intérieur de l’Eglise a été
escamoté. Comment dépasser de telles oppositions ?
La complexité du jugement éthique
En fait, beaucoup de personnes percevaient les différents aspects qui semblent s’opposer.
Elles se sentaient tiraillées entre la volonté de donner tout son sens au mariage basé sur
l’altérité des sexes et la volonté de ne pas rejeter des personnes homosexuelles. Le projet de
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réforme les forçait à choisir l’un ou l’autre. Les contre-propositions cherchant à concilier les
deux aspects n’ont pas reçu d’écho politique.
Mais, au-delà de la question de la formulation politique du projet de réforme, ces clivages,
vécus douloureusement à l’intérieur des personnes comme à l’intérieur des communautés
chrétiennes, sont aussi révélateurs de la complexité du jugement éthique en situation
pluraliste et invitent à approfondir notre réflexion. Ils signalent que le jugement éthique luimême
est devenu pluraliste. Chacun invoque sa conscience et on ne saisit plus s’il existe
encore des fondements communs pour se prononcer sur ces grandes questions où l’avenir
de l’homme se dessine. Ainsi assiste-t-on à l’émergence troublante de nouvelles manières de
juger les situations. Dépendantes des émotions, de la narration ou du ressenti individuel,
elles laissent peu de place aux arguments de raison. Cette donnée de fait doit être prise en
compte par quiconque veut pratiquer le dialogue : il lui faut aussi prendre en compte
l’histoire personnelle de chacun et tenter de l’y rejoindre, ce qui signifie aussi d’assumer sa
propre histoire.
Cette complexité du jugement éthique dans une société pluraliste et sécularisée n’empêche
pas, d’une part, de tirer les enseignements positifs de ce temps de débat et, d’autre part, de
formuler des pistes de réflexion pour approfondir le dialogue.
1 Les enseignements positifs de ce temps de débat
Ces derniers mois ont montré toute l’exigence de la vie en démocratie. Ils ont servi
l’émergence de problématiques essentielles autour de l’intérêt supérieur de l’enfant, de
l’évocation de la condition homosexuelle et du refus de l’homophobie. Ce sont des acquis
positifs du débat.
1.1 Vivre l’exigence démocratique
L’exercice de la démocratie suppose d’admettre dès le départ que les divergences d’opinion
sont légitimes. Sur cette base, les citoyens et leurs organisations peuvent exprimer librement
leur point de vue, dans le respect des autres. Chacun mérite ainsi d’être écouté et respecté
dans ses convictions profondes. Le débat doit normalement permettre d’améliorer un projet
de façon à recueillir l’adhésion du plus grand nombre. Le mépris, la violence verbale ou
physique n’ont pas leur place dans le jeu démocratique. Ils sont, pour les chrétiens,
antagoniques avec la liberté religieuse dont ils se réclament.
Respecter la laïcité
La laïcité de l’Etat, telle qu’elle s’est approfondie en France depuis la loi de 1905 qui en
définit les règles, ne fait pas obstacle à une expression des religions dans le débat public. La
laïcité de l’Etat n’implique pas une laïcité de la société. La laïcité accueille dans l’espace
public les opinions et contributions à la recherche de l’intérêt général, exprimées au nom
d’une conviction religieuse ou spirituelle, car elle reconnaît la richesse du pluralisme.
L’Eglise, comme toute association, peut faire entendre ses arguments ; les catholiques,
comme tous les citoyens, peuvent prendre la parole. Bien sûr, il ne peut être question
d’imposer la foi ou un point de vue religieux. La participation des catholiques au débat public
se fait à partir d’une vision de l’homme qui trouve sa source dans la raison éclairée par la foi
chrétienne.
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Assumer une position minoritaire
Les catholiques prennent aujourd’hui conscience que cette vision n’est plus ni connue ni
partagée par tous. Même lorsqu’elle est partagée, les conséquences politiques à en tirer
peuvent diverger. A l’intérieur de la communauté catholique ces divergences ne mettent pas
en danger l’unité ecclésiale, pas plus que l’issue d’un vote démocratique ne rejette les
catholiques en dehors de la communauté nationale. Lors de sa dernière assemblée plénière,
par la voix de son président, la Conférence des Evêques de France s’est exprimée sur la
situation créée par l’adoption du projet de loi et sur sa portée au regard de la cohésion
nationale. Elle a aussi invité les catholiques à se comporter comme citoyens, assumant une
position minoritaire en démocratie.
C’est une preuve de maturité démocratique que d’accepter sans violence que son propre
point de vue ne soit pas retenu. C’est une preuve de maturité sociale que de reconnaître que
le débat politique n’épuise pas le débat éthique et anthropologique sur les grandes
questions du sens de l’existence. On peut continuer à provoquer de multiples manières la
réflexion sur nos visions du monde et leurs conséquences pour la vie de tous et tout
particulièrement des plus vulnérables d’entre nous. C’est une preuve de maturité spirituelle
que de croire que ce ne sont pas les paroles qui importent pour exprimer une conviction,
mais davantage encore le témoignage et l’engagement d’une vie au service du prochain,
nourrie par la foi au Christ.
A cet égard, les communautés catholiques auront aussi à accompagner les nombreux jeunes
qui ont spontanément et pacifiquement pris part aux débats et aux manifestations. Il s’agit à
la fois de saluer et de soutenir leur engagement tout en assurant leur formation, notamment
dans le domaine de la doctrine sociale, pour favoriser ce témoignage à la suite du Christ.
1.2 L’intérêt supérieur de l’enfant
Un très large courant, dépassant le clivage autour du mariage ouvert aux personnes de
même sexe, a exprimé le souhait que l’intérêt supérieur de l’enfant soit mieux pris en
considération dans le contexte de la loi sur l’ouverture du mariage, et bien plus largement
dans celui des réformes envisagées qui touchent à la vie familiale, à la protection de
l’enfance et de la jeunesse, à la vie scolaire. Ce concept d’intérêt supérieur de l’enfant est
porté au niveau international par une Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant
du 20 novembre 1989, ratifiée par notre pays, et sur lesquels veille en France le Défenseur
des droits. Mieux expliqué et mieux compris, ce concept aurait permis de clarifier les
malentendus entre différents points de vue se réclamant du bien des enfants déjà nés ou à
naître. Il aurait aussi permis à nombre de personnes, favorables au « mariage pour tous »
mais hostiles à l’adoption, de réaliser le lien étroit entre l’accès au mariage et l’accès à
l’adoption. La revendication de préserver une filiation lisible pour tous les enfants a été
clairement exprimée, mais n’a pas été retenue par le législateur.
Dans sa décision du 17 mai 2013, le Conseil constitutionnel a érigé « l’intérêt de l’enfant » en
exigence constitutionnelle. Cela renforce l’exigence que toute décision d’adoption doit être
conforme à l’intérêt de l’enfant. Le Conseil a également jugé que la loi n’a ni pour objet ni
pour effet de reconnaître un « droit à l’enfant ». Le rejet très net de toute
instrumentalisation crée l’espoir que ce souci de protéger l’enfant, figure du plus faible
parmi nous, permettra de trouver une majorité pour s’opposer à un élargissement des cas
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autorisés pour la procréation médicalement assistée et à la légalisation de la gestation pour
autrui.
1.3 L’accueil dans l’Eglise des personnes homosexuelles
Comme le dénonçait le premier texte du Conseil Famille et Société, l’homophobie existe
toujours dans la société et dans nos communautés catholiques. Les débats autour du projet
de loi ont eu un double effet. D’un côté, une homophobie, jusque-là latente, s’est exprimée
au grand jour avec une violence surtout verbale mais dans quelques cas aussi physique. Cela
est inadmissible et doit être fermement condamné. Ces expressions homophobes ont blessé
et troublé de nombreuses personnes. De l’autre côté, les accusations répétées et
généralisées d’homophobie, à l’adresse des opposants au projet de loi, ont injustement
disqualifié les motivations profondes qui les animaient.
L’accueil inconditionnel
L’homophobie, comme toute forme de discrimination, est inacceptable. Pour les
communautés catholiques, l’accueil inconditionnel de toute personne est premier. Toute
personne, indépendamment de son parcours de vie, est d’abord un frère ou une soeur dans
le Christ, un enfant de Dieu. Cette filiation divine transcende tous les liens humains de
famille. Chaque personne a droit à un accueil aimant, tel qu’il est, sans avoir à cacher tel ou
tel aspect de sa personnalité. L’accueil inconditionnel de la personne n’inclut absolument
pas une approbation de tous ses actes. Cet accueil constitue cependant la condition
première de toute relation, selon l’exemple donné par le Christ lui-même.
La miséricorde et la loi
Pour accueillir, les communautés chrétiennes n’ont pas à choisir entre la loi ou la
miséricorde. C’est la miséricorde qui ouvre le chemin par lequel chaque personne rendue à
sa dignité et à sa liberté, peut s’engager librement sur une voie exigeante de conversion et
de croissance. Ce que la foi désigne comme loi n’est pas un diktat moral, mais le signe que,
par un comportement d’humilité, la rencontre avec l’amour divin devient possible. C’est une
rencontre avec le Christ qui va conduire une personne à opérer des changements dans sa
vie. Tout en sachant que cela leur échappe, les communautés chrétiennes ont à favoriser
cette rencontre, à témoigner de l’action de Dieu dans la vie de chacun et à accompagner des
cheminements, sans jamais juger les coeurs.
De ce point de vue, le Conseil famille et société reconnaît que beaucoup peut encore être
fait pour mieux accueillir et accompagner les personnes homosexuelles et leurs familles. Les
incompréhensions apparues à propos de la loi au sein des communautés catholiques sont à
la fois révélatrices de cette situation, mais peuvent aussi aboutir à une meilleure prise en
considération de cette responsabilité par les communautés qui sont invitées à approfondir le
débat sur différents points.
2 De nouveaux sujets d’approfondissement
La réflexion autour de la réforme du droit de la famille a conduit beaucoup de catholiques à
s’interroger sur les raisons d’être de leur positionnement. Etre catholique implique-t-il d’être
toujours « contre » les réformes de société présentées comme des progrès par d’autres ?
Comment, après avoir dissipé les accusations d’homophobie, expliquer la richesse spécifique
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du mariage chrétien qui mérite d’être recherchée et que l’on souhaite partager? Ce sont des
questions, plus éloignées du débat politique, pour lesquelles le Conseil Famille et société
propose des éléments de discernement. Les pistes qui suivent veulent encourager les
catholiques à approfondir ensemble ces thématiques et à en débattre avec toutes les
personnes de bonne volonté.
2.1 Une vision de l’homme…
Dans la vision chrétienne, l’homme est un être relationnel. Créé à l’image et à la
ressemblance du Dieu trinitaire, il naît d’une relation et se construit en tant que personne à
travers de multiples relations et en premier lieu à travers ses relations de famille. L’être
humain n’est donc pas un individu isolé, un îlot perdu. C’est une personne, toujours reliée à
d’autres personnes. Sa liberté et son indépendance n’existent pas en dehors des autres ou
en faisant abstraction des autres. Elles n’existent que dans la juste relation aux autres. Le
Christ, à travers sa vie, sa mort et sa résurrection, nous montre la relation étroite qui l’unit à
son Père. Il nous apprend ainsi qu’être, c’est être en relation.
Tous responsables de tous
Si les relations sont, à ce point, constitutives de notre être, nous ne pouvons rester
indifférents aux personnes avec qui nous sommes en relations. Notre interdépendance
appelle à une solidarité entre nous. Cette solidarité n’est pas « un sentiment de compassion
vague ou d'attendrissement superficiel pour les maux subis par tant de personnes proches
ou lointaines. Au contraire, c'est la détermination ferme et persévérante de travailler pour
le bien commun, c'est-à-dire pour le bien de tous et de chacun parce que tous nous sommes
vraiment responsables de tous »2.
De cette interdépendance, de cette responsabilité pour autrui, découle une attention
particulière pour les plus petits, les plus faibles d’entre nous, qui se retrouve dans le
commandement évangélique de nourrir et vêtir les pauvres, d’accueillir l’étranger, de visiter
les malades et les prisonniers (Mt 25).
Une attention aux plus vulnérables
C’est cette conviction première qui inspire les mêmes catholiques à se faire serviteur des
pauvres pour accueillir en eux le Christ et à faire opposition à ce qui risque de priver l’enfant
de ses droits, de son inscription dans une histoire et une généalogie. A partir de cette vision
de l’homme et de cette attention au plus vulnérable, l’Eglise demandera à la fois l’accueil de
l’étranger et l’accueil de l’enfant à naître. Les deux peuvent s’annoncer de façon imprévue, à
un moment que nous jugeons mal choisi. Mais le Christ nous demande d’accueillir chaque
personne comme lui-même … C’est toujours à partir de cette vision que l’Eglise condamne le
licenciement sans concertation de salariés ou l’expulsion brutale de Roms. Dans les décisions
économiques ou politiques, le souci de l’homme doit rester premier et sa dignité doit être
respectée. C’est encore cette vision qui pousse l’Eglise à intervenir pour le respect des
personnes diminuées par l’âge ou le handicap. C’est autour de cette vision de l’homme et ce
souci de donner toute leur place aux plus démunis parmi nous que 12000 personnes se sont
rassemblées à Lourdes début mai dans le cadre de Diaconia 2013 autour du thème « Servons
la fraternité ».
2 Jean Paul II, Encyclique « Sollicitudo rei socialis » n°38, 1987.
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Alors oui, cette attention au plus faible peut se traduire par une opposition à des projets de
réforme, mais ce n’est pas par un réflexe conservateur, mais dans le souci que la dignité de
l’homme reste bien au centre des préoccupations d’un monde en pleine évolution. Une
dignité qui, pour le chrétien, n’est pas liée à une liste de qualités physiques, intellectuelles
ou morales ni même à notre propre pouvoir de communiquer ou de nous relier à d’autres.
La dignité est fondée dans le fait que chaque créature est créée à l’image de Dieu. En celui
qui n’a pas encore accédé au langage ou en celui qui l’a perdu, en celui dont la liberté est
entravée ou diminuée par une cause psychique ou physiologique, en celui qui, vulnérable,
est remis entièrement entre nos mains, le chrétien reconnaîtra un frère en humanité qui doit
être respecté sans condition.
2.2 … cohérente avec une vision du mariage
Si l’homme est un être relationnel, l’union d’un homme et d’une femme par le mariage
comme la famille qui naît de cette fondation, sont des lieux privilégiés d’expérience de cette
relation. Autant qu’à une vision de l’homme et de la femme, la foi chrétienne nous introduit
à une vision du mariage.
Une distance grandissante entre mariage civil et mariage religieux
Les quatre piliers du mariage chrétien sont l’unité, l’indissolubilité, la fidélité et l’ouverture à
la vie. Pendant longtemps, le mariage civil reflétait la même conception du mariage. Avec
l’apparition du divorce, et plus particulièrement après l’introduction du divorce par
consentement mutuel en 1975, le pilier de l’indissolubilité a disparu du mariage civil créant
une distance avec le mariage religieux. Cette distance s’est encore creusée avec la
disparition de l’ouverture à la vie comme élément essentiel du mariage civil. Elle s’aggrave
encore d’avantage lorsque la différence sexuelle entre l’homme et la femme, élément
fondamental pour penser l’alliance féconde à l’image de Dieu, est évacuée ou relativisée
dans la définition du mariage civil. Il faut donc prendre acte du fait que mariage civil et
mariage religieux ne recouvrent plus le même type d’engagement.
Les conséquences :
· Les époux catholiques, astreints au mariage civil, continuent d’honorer les exigences
civiques et éthiques de solidarité et d’engagement vis-à-vis des enfants et des tiers
que le mariage civil, en tant qu’institution, continue de consacrer. Son ouverture aux
personnes de même sexe ne modifie pas les exigences juridiques du mariage fixées
par le code civil.
· Choisir de se marier religieusement, c’est consentir librement à un degré d’exigences
qui complète et dépasse celles qui continuent d’être requises par le mariage civil. Ces
exigences gardent aujourd’hui tout leur sens, un sens que renforce encore son
caractère de choix minoritaire et librement consenti.
Goûter à la vie de Dieu
Ce choix correspond au goût de l’absolu qui habite spontanément le coeur des jeunes
amoureux qui souhaitent faire rimer amour avec toujours. Il exprime aussi une réponse
personnelle à l’invitation de goûter en quelque sorte à la vie de Dieu. La fidélité et
l’indissolubilité sont des exigences fortes, qui peuvent paraître irréalistes à vue humaine,
mais qui nous invitent à nous nourrir de l’extraordinaire fidélité de Dieu qui s’étend d’âge en
âge pour en refléter quelque chose dans nos vies. L’ouverture à la vie veut dire que nos
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amours ne sont pas destinés à nous enfermer dans un tête-à-tête égoïste, mais qu’ils nous
poussent à accueillir les autres. La Bible nous montre le visage de Dieu, infiniment fidèle,
pardonnant toujours et encore les errements de son peuple. Le Christ nous montre une
dynamique relationnelle d’amour capable d’accueillir tous et chacun. Même si nos mariages
ne sont pas toujours à la hauteur de ce débordement d’amour dont nous gratifie Dieu, c’est
une aventure qui vaut la peine d’être vécue et c’est un bonheur pour ceux qui arrivent à
parcourir le chemin ensemble.
Ainsi, nous tenons à ce mariage avec ses exigences, non pas parce qu’il nous protègerait
contre les incertitudes et les risques - ceux-ci ne nous sont pas épargnés -, mais parce qu’il
permet de vivre dans la vérité de l’amour une expérience humaine unique où nous pouvons
pressentir un goût d’éternité.
2.3 Retrouver le sens de l’amitié
Enfin, les discussions autour de l’homosexualité nous invitent aussi à retrouver la force et le
sens de l’amitié et de la chasteté. Les amitiés fortes ont toujours existé et existent encore,
que ce soit entre hommes, entre femmes ou entre homme et femme. Aujourd’hui, les
amitiés chastes sont dévalorisées au bénéfice d’une sorte d’injonction médiatique du « tout
et tout de suite ». Dans une société fortement érotisée, où la transgression est parfois
présentée comme un acte de courage sans égard au sens commun de l’existence, l’amitié
chaste passe pour impossible ou trompeuse. Ainsi est construit de toutes pièces un schéma
culturel qui appauvrit en fait les relations interpersonnelles et tout lien d’amitié fort est
soupçonné de prendre une tournure sexuelle. L’attrait physique ou même le désir sexuel
peuvent exister dans une relation d’amitié, mais les personnes peuvent aussi choisir de ne
pas y céder, justement pour préserver et cultiver un lien d’amitié qui est un bien en soi.
L’amitié s’appuie sur une distance bienfaisante des corps. Elle n’est ni possessive ni
exclusive. Elle se nourrit de la présence gratuite de l’autre, de la richesse de son être.
Toutes les personnes hétérosexuelles n’arrivent pas à vivre une relation d’amitié chaste avec
une personne de l’autre sexe. Toutes les personnes homosexuelles n’arrivent pas à vivre une
relation d’amitié chaste avec une personne du même sexe. Mais le fait que tous n’y arrivent
pas ne dévalorise pas cette expérience. Celles et ceux qui vivent un tel lien d’amitié
témoignent volontiers de la richesse qu’il représente et de l’importance qu’il revêt dans leur
vie. Les liens d’amitié aussi comportent une ouverture sur les autres et ont une véritable
fécondité sociale. Les personnes célibataires, les personnes vivant dans le célibat consacré
peuvent témoigner d’une fécondité d’un autre ordre que l’engendrement. De telles
expériences humaines risquent d’être balayées par un certain libertarisme. Il y a donc
urgence à travailler à l’éducation relationnelle, affective et sexuelle des jeunes. Les chrétiens
sont appelés à témoigner que d’autres façons de vivre les relations humaines sont possibles.
En conclusion
La communion ecclésiale n’est pas évidente. Depuis les origines, les chrétiens sont invités à
l’unité, signe de celle qui existe au sein même du Dieu trinité auquel ils croient. Depuis les
origines, les conflits et les déchirures viennent fragiliser le témoignage des chrétiens et
meurtrir le corps du Christ dans lequel chacun a été baptisé. Depuis les origines, il est
question de pardon et de charité au sein de nos communautés. C’est dire que notre combat
est d’abord celui d’une conversion personnelle pour que notre vie soit une véritable bonne
nouvelle cohérente avec l’Evangile et donne aux autres le goût de la vivre. Notre parole la
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plus convaincante prend avant toute chose la forme d’un engagement et d’un service. A
cette condition nous ne craindrons pas que nos façons de vivre entrent en contradiction
avec les normes de la société. L’important, c’est que nos vies soient réglées sur le soleil du
Christ et qu’on puisse dire que notre témoignage n’est pas jugement pour l’autre mais tout
simplement cohérence entre la foi et les actes.
A la suite du Christ, venu en ce monde porté par l’amour du Père pour le monde, sur ce
chemin, nous ne sommes pas seuls. En solidarité avec tous ceux qui nous entourent, nous
pouvons mettre en oeuvre des pratiques qui témoignent du respect inconditionnel de tout
être humain et qui garantissent un avenir aux plus vulnérables. Il revient à chacun de garder,
toujours plus justement, le souci du vivre ensemble qui respecte la dignité de la personne
humaine, souci du vivre ensemble social et politique, orienté vers toujours plus de justice, de
paix et de solidarité.
Le Conseil Famille et Société
Mgr Jean-Luc Brunin, évêque du Havre, président
Mgr Yves Boivineau, évêque d’Annecy
Mgr Gérard Coliche, évêque auxiliaire de Lille
Mgr François Jacolin, évêque de Mende
Mgr Christian Kratz, évêque auxiliaire de Strasbourg
Mgr Dominique Lebrun, évêque de Saint-Etienne
Mgr Armand Maillard, archevêque de Bourges
Mme Monique Baujard, directrice du Service national Famille et Société
Mme Françoise Dekeuwer-Défossez, professeur de droit
Père Gildas Kerhuel, secrétaire général adjoint de la CEF
Sr Geneviève Médevielle, professeur de théologie morale
M. Jérôme Vignon, président des Semaines Sociales de France